Quelques jours après que l’UCI a présenté ses plans pour accueillir les championnats afghans de cyclisme sur route féminins depuis sa base d’Aigle, en Suisse, de nouvelles allégations inquiétantes d’abus en cours ont été révélées.

Une plainte déposée auprès de la commission d’éthique de l’UCI, vue par CyclingTips, contient des allégations selon lesquelles des membres de la Fédération afghane de cyclisme continuent de discriminer les cyclistes féminines et les membres de la minorité religieuse Hazara. Parmi les auteurs présumés figurent Fazli Ahmad Fazli, hébergé en Suisse par l’UCI.

La chronologie inquiétante et longue détaillée dans la plainte remonte à l’évacuation dirigée par l’UCI d’un convoi de cyclistes afghans après le retour au pouvoir des talibans en Afghanistan.

Cette évacuation a été considérée comme une réalisation humanitaire courageuse et, comme le montrent les derniers plans de l’UCI, est une opportunité de relations publiques positive que l’organisation continue de saisir.

L’évacuation a également été un moment central du Congrès UCI 2021avec Fazli Ahmad Fazli, présidente de la Fédération Afghane de Cyclisme depuis 2019, qui a reçu un Mérite UCI pour son « engagement courageux pour le développement du cyclisme, en particulier du cyclisme féminin, dans un pays où se battre pour cette cause est un risque » et « dévoué[ing] sa vie » à la cause. Fazli, ainsi que de nombreux membres du convoi, ont reçu des visas suisses et un logement.

Mais, selon plusieurs sources, tout n’était pas comme il semblait.

Une histoire brutale

Le brillant moment de relations publiques a rapidement été sapé par des allégations, rapportées pour la première fois par CyclingTips, selon lesquelles seuls cinq cyclistes figuraient parmi les 165 personnes évacuées. Selon plusieurs sources, Fazli a manipulé les listes pour inclure la famille, les amis et les associés commerciaux, tout en excluant les cyclistes légitimes et en discriminant la minorité Hazara. [Fazli denies these allegations.]

Depuis que CyclingTips a publié cette histoire en novembre 2021, des rapports indépendants de CyclismeActualités et un grand programme télévisé d’actualité suisse, Rundschau, sont parvenus à des conclusions similaires. L’UCI a répondu en affirmant qu’une “personne mal intentionnée non précisée a tenté de dénigrer tout ce qui a été réalisé”.

CyclingTips a contacté l’UCI pour préciser que les détails de l’histoire originale avaient été confirmés par six sources indépendantes. Nous exprimons également notre préoccupation pour la sécurité des sources, offrant des preuves à l’appui des menaces contre les cyclistes. L’USI n’a pas répondu.

Capture d’écran : CyclingNews.

Peu de temps après, l’une des sources de CyclingTips, Amin, qui se cachait au Pakistan, a déclaré avoir été kidnappé et détenu pendant quatre jours, au cours desquels il a été aspergé d’eau froide à plusieurs reprises, privé de nourriture et d’eau et battu. Il pense qu’il s’agissait de représailles, ordonnées par Fazli, pour avoir parlé. D’autres messages vocaux WhatsApp divulgués ont révélé qu’un individu identifié comme Fazli menaçait ou ridiculisait les membres de la communauté cycliste afghane, les avertissant de ne pas parler aux journalistes et affirmant qu’il travaillait sur de futurs convois d’évacuation qui ne sont jamais arrivés.

CyclingTips a publié bon nombre de ces détails dans une fonctionnalité de suivi en février 2022 et un podcast plus tard ce mois-là. Malgré de multiples demandes de commentaires, l’UCI n’a pas répondu depuis novembre dernier, sans reconnaissance de multiples allégations d’abus graves, perpétrées par le président de la Fédération afghane de cyclisme, récipiendaire du Mérite UCI, qui continue de gouverner en l’absence du siège de l’UCI elle-même.

Où sommes-nous actuellement?

Sept mois après la première révélation des allégations, l’UCI semble toujours soutenir Fazli. En effet, CyclingTips comprend que le président de l’UCI, David Lappartient lui-même, a activement cherché à saper et à critiquer tout rapport sur les méfaits présumés de Fazli.

Entre-temps, l’UCI a procédé à une Initiative “Intégrité du cycliste”“Parce que tous les membres de la communauté cycliste, cyclistes ou non, doivent bénéficier d’un environnement sûr, exempt de harcèlement ou d’autres abus, dans lequel ils se sentent respectés.”

Dans le cadre de mois d’inaction apparente, et dans le contexte de nouvelles allégations d’abus, une plainte reprenant le témoignage de plus d’une douzaine d’accusateurs a été déposée auprès de la Commission d’éthique de l’UCI, un organe indépendant qui officie sur les violations du Code de l’UCI De conduite. Éthique. Ce document, vu par CyclingTips, présente les allégations d’abus déjà révélées par notre rapport, mais allègue également des menaces continues contre les cyclistes afghans.

Cela inclut les messages menaçants qui auraient été envoyés par Fazli à ceux qui s’élèvent contre lui. « N’oubliez pas que j’ai beaucoup d’amis en Afghanistan. Si vous voulez assurer votre sécurité et celle de votre famille, restez calme et n’élevez pas la voix », dit l’un d’eux. “Je vous retrouverai bientôt, et je le sais… Je ne serai pas tranquille tant que je n’aurai pas vu vos cadavres”, dit un autre.

Un cycliste se découpe sur le soleil couchant alors que des drapeaux talibans flottent sur des poteaux le long d’une route à Kaboul fin 2021. (Photo de Hoshang Hashimi/AFP via Getty Images)

Selon la plainte de la commission d’éthique, de nombreux cyclistes allèguent que Fazli lui-même a des liens avec les talibans, ce qui expose les cyclistes à un risque réel de préjudice. Depuis notre dernier rapport, plusieurs cyclistes afghans ont été capturés et battus par les talibans, dans un cas cherchant des informations sur le sort d’un critique Fazli. CyclingTips a également vu des messages, prétendument de Fazli, indiquant que “les gens du Émirat [ed. Taliban] ce sont les miens.”

Pire encore, les abus présumés en cours ne se déroulent pas seulement en Suisse, mais en son sein, au Centre mondial du cyclisme UCI, qui abrite des évacués afghans.

La plainte de la commission d’éthique indique que trois femmes membres de la cohorte en Suisse ont fait part de leurs inquiétudes quant à leur sécurité. Un cycliste allègue que Fazli l’a agressée verbalement, ainsi que deux des coéquipiers de Hazara, les qualifiant de “salopes”, d'”infidèles” et de “putes”, les obligeant à porter des hijabs et à imposer des couvre-feux. Craignant une détérioration continue, ils affirment avoir demandé le soutien d’organisations caritatives d’immigration en Suisse. L’une des coureuses affirme que lorsqu’elle a fait part de ses inquiétudes aux représentants de l’UCI, ils ont répondu que si elle n’était pas contente, elle devrait retourner en Afghanistan.

Un cycliste traverse l’Afghanistan, avant le retour des talibans. Depuis lors, les cyclistes brûlent leur équipement et sont forcés de se cacher pour éviter la persécution.

Pendant ce temps, fin avril, Fazli a participé à des événements médiatiques à l’UCI, notamment Une fonction soulignant les efforts de l’UCI pour héberger et soutenir les réfugiés d’Afghanistan et d’Ukraine. Dans un communiqué de presse du 22 avril, Fazli apparaît debout entre le président du CIO Thomas Bach et l’homme politique suisse Philippe Leuba.

Ce jour-là, Lappartient a souligné l’engagement de l’UCI pour le “bien-être de toute la famille du cyclisme” et la nécessité de mettre les installations de l’organisation à la disposition des athlètes “en danger dans leur propre pays”. Il est important que ces jeunes cyclistes se sentent soutenus et je suis sûr que les échanges et les activités qui ont eu lieu ici à Aigle renforceront leur sentiment de sécurité.

Le calendrier de l’avis de la commission d’éthique de l’UCI n’est pas connu. Pour la 13e fois consécutive depuis novembre dernier, l’UCI n’a pas répondu à une demande de commentaire.